LES INVITÉS /

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Constantin Sigov

L’oeuvre du philosophe ukrainien Constantin Sigov occupe une place majeure dans le monde slave et rencontre un vif écho international. En 2014, il a soutenu la Révolution du Maïdan, dont il a été une grande voix.

Constantin Sigov dirige le Centre européen à l’Université Mohyla de Kyiv et a été directeur d’études associé à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) à Paris de 1992 à 1995. Il a contribué à l’établissement du Vocabulaire européen des philosophies (Paris, Seuil/Le Robert, 2004) et a fondé à Kyiv la maison d’édition Duh i litera (L’Esprit et la lettre), qui a publié des traductions ukrainiennes faisant autorité de grands penseurs comme Montaigne, Descartes, Pascal, Paul Ricoeur, Emmanuel Levinas et François Furet. Ami de Paul Ricoeur et de Charles Taylor, il les a accueillis à l’Université de Kyiv. Pour son inlassable activité de bâtisseur de ponts entre les cultures, Constantin Sigov a été décoré par la France au grade d’officier de l’Ordre des Palmes académiques.

Sa Lettre de Kiev (Placards et Libelles 12, 2022), qui raconte à « ses amis français » depuis la cave qui lui sert d’abri à Kiev la guerre fratricide qui sévit, le courage des résistants, constitue un appel à la mobilisation de toutes les femmes, de tous les hommes libres. Dans Philosopher sous les bombes. Penser l’Ukraine en résistance (PUF, janvier 2022), il met la philosophie à l’épreuve de la réalité : celle de la guerre, du combat, de la liberté, de la peur, de la vérité et de la résistance. L’ouvrage mêle récit d’un quotidien sous la menace et réflexions philosophiques, dans un souci constant d’impliquer le lecteur dans une guerre qui ne le concerne pas moins et de l’entraîner dans une nécessaire résistance.

Quand l’Ukraine se lève
La naissance d’une nouvelle Europe

Constantin Sigov et Laure Mandeville (Talents éditions, novembre 2022).

L’Occident a longtemps peiné à mettre l’Ukraine sur ses cartes mentales. Obnubilés par notre relation à la Russie, nous avions tendance à l’enjamber pour regarder le monde avec les lunettes de Moscou, surtout à Paris et Berlin ! C’est donc avec une forme de sidération que nous avons vu se dresser cette nation slave de 44 millions d’habitants face à l’ouragan néo-totalitaire poutinien qui a fondu sur elle, et qui menace désormais ouvertement l’Europe. Le fait ukrainien est la divine surprise de ce moment géopolitique historique. D’où vient cette résistance churchillienne des Ukrainiens, leur unité scellée au bord de l’abîme ? Pourquoi ont-ils choisi la liberté de « l’homo dignus » tandis que la Russie poutinienne retombait dans le paradigme de l’État criminel et arbitraire ? Et de quel espoir ce trésor de résistance est-il porteur pour l’avenir de l’Europe, et un jour, souhaitons-le, pour celui de la Russie ?

Ces thèmes sont, avec l’analyse de l’ouragan russe et de la mobilisation tardive mais cruciale de l’Occident, le thème central de ce livre-conversation entre Constantin Sigov, philosophe ukrainien et Laure Mandeville, grand reporter au Figaro et spécialiste de la Russie. Pendant six mois d’une discussion téléphonique entamée au début de l’invasion, ils ont échangé pour percer le brouillard de la guerre et déceler les lignes fortes de cette bataille. Pour comprendre comment se défendre ensemble, et jeter ainsi les bases d’une nouvelle Europe refusant l’apathie, l’apaisement cynique et finalement la soumission.

N’ayant pas pardonné la transformation de l’empire soviétique en champ de ruines, Poutine veut voir les décombres de l’Union européenne. C’est une sorte de revanche à la Néron, qui met le feu à notre civilisation. — Constantin Sigov